Madame la Secrétaire d’Etat,
Vous n’êtes certainement pas sans savoir que depuis un certain temps, un phénomène dramatique sévit, à savoir le « suicide forcé ».
Il s’agit généralement pour une jeune femme, une jeune fille de se rendre à un rendez-vous, tout ce qu’il y a de plus normal. Mais sur place, d’être attendue non pas par un seul homme comme prévu mais par plusieurs hommes, d’être violée avec vidéo à l’appui qui sera ensuite diffusée sur les réseaux sociaux jusqu’à ce que ce harcèlement insupportable pour la victime la pousse au suicide.
Ces faits ne sont plus isolés, le dernier date du 15 mai 2021 à Gand.
On parle également de suicide forcé lorsqu’il s’agit d’un acte consécutif à du harcèlement ou des violences conjugales devenues insupportables pour la victime dont la seule issue possible devient le suicide.
Il s’agit à nouveau de violences faites principalement à des femmes, des violences physiques, des violences sexuelles et de violences en ligne.
1. Disposez-vous de chiffres relatifs à ce phénomène? Combien de victimes sont à dénombrer?
2. Quelles sont les mesures mises en place pour lutter contre le cyber-harcèlement?
3. Concrètement, que prévoyez-vous pour enrayer le phénomène précis du « suicide forcé » consécutif au harcèlement en ligne?
Réponse de Sarah Schlitz :
Au niveau belge, il n’existe de données précises concernant le lien entre suicide (forcé) et harcèlement ou violences conjugales. Selon des données du Royaume-Uni, 20% des suicides seraient liés à des faits de violences domestiques. Dans la mesure où on dénombre en moyenne 2.000 suicides par an en Belgique, cela équivaudrait donc à +/- 400 suicides consécutifs à de telles violences. Il s’agit bien évidemment d’une extrapolation. En France, selon un rapport d’experts élaboré dans le cadre du Grenelle sur les violences conjugales de 2018, 217 femmes seraient décédées à la suite d’un suicide forcé consécutif à des violences au sein du couple.
Selon les statistiques policières de criminalité, 830 plaintes pour voyeurisme (diffusion enregistrement nudité ou intimité) et 7.688 plaintes pour cyberharcèlement ont été enregistrées par les services de police en 2020. Il n’est toutefois pas possible d’identifier précisément dans quelle mesure ces plaintes recouvrent ce type de violences.
Différentes enquêtes démontrent cependant l’ampleur du phénomène. 8 % des femmes belges déclarent ainsi avoir été victimes de cyberharcèlement selon l’enquête de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne. L’auteur est un homme et la victime est une femme dans 60% des cas de cyberharcèlement selon l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes.
La cyberviolence sexiste figure parmi les thématiques prises en compte au sein de la Conférence interministérielle (CIM) droits des femmes en 2021. La CIM travaille notamment sur des mesures de prévention et de sensibilisation (formation des professionnels, campagnes sous différents angles, désignation de personnes référentes dans les institutions, développement d’une plateforme d’informations sur le cybersexisme), de protection (développement d’outils dans le contexte de la violence domestique, soutien aux associations), de poursuites (évaluation et, le cas échéant, renforcement de la législation existante, réforme éventuelle de l’article 150 de la Constitution) et de politiques intégrées (inventaire des services d’aide, soutien de la société civile, collecte de statistiques).
Par ailleurs, je souhaite proposer prochainement un plan d’action national de lutte contre les violences basées sur le genre (PAN) 2021-2025 doit venir compléter le cadre belge de lutte contre les violences basées sur le genre à travers de nouvelles mesures d’ici fin 2021. Ce PAN comprendra également des mesures de lutte contre la cyberviolence. En moins d’un an, l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes a ouvert environ 85 dossiers liés à la diffusion non consensuelle, et a pris part à quatre actions civiles. L’Institut a également créé une page web avec un manuel que les gens peuvent utiliser pour supprimer eux-mêmes leurs images, bien que l’Institut les aide si nécessaire.
Enfin, je tiens à signaler que l’incrimination de l’incitation au suicide et de l’incitation au suicide aggravée est prévue par la réforme du Code pénal. Une circonstance aggravante est prévue lorsque l’auteur de l’incitation au suicide est le partenaire ou un parent en ligne directe ascendante ou descendante de la victime.