“Prendre sa voiture pour se rendre à la gare, la mettre au parking, monter dans un train, emprunter ensuite un bus, un métro ou un vélo partagé pour arriver à sa destination finale: c’est l’intermodalité”.
Plus il sera facile de changer de moyen de transport de manière fluide et sans perdre trop de temps, plus il sera convaincant de choisir les transports en commun plutôt que sa voiture pour se déplacer. C’est une évidence. La promotion de l’intermodalité fait, d’ailleurs, partie des objectifs de la plupart des gouvernements et des opérateurs de transport public du pays.
Ainsi, la déclaration de politique fédérale sur laquelle s’appuie le gouvernement fédéral le prévoit en ces termes: “S’agissant de la mobilité, le gouvernement prendra toutes les mesures utiles pour favoriser les déplacements les plus respectueux de l’environnement. […] En collaboration avec les entités fédérées, ce gouvernement visera un transfert modal ambitieux par l’augmentation significative de la part des modes de mobilité durables”.
L’existence de correspondances régulières entre les trains, les bus et les trams est un facteur important pour améliorer la fluidité d’un trajet intermodal. Il ne s’agit pas du seul élément décisif pour choisir les transports en commun plutôt que la voiture, mais il est exclusif: si un trajet de porte à porte implique nécessairement de prendre le bus ou le tram, les correspondances horaires et à proximité des gares sont indispensables.
Le Contrat de service public actuellement en vigueur entre la SNCB et l’État belge programme, d’ailleurs, une amélioration à ce sujet en son article 68: “La SNCB veille à se coordonner avec les autres opérateurs de transport public afin de réduire les barrières aux voyages intermodaux. […] L’objectif est d’augmenter le nombre et la qualité des correspondances entre une ou plusieurs relations ferroviaires et une ou plusieurs lignes de bus/tram/métro au moyen d’un horaire intégré, totalement ou partiellement, autour de nœuds de correspondance. […]”. Dans son plan de transport 2023-2026, la SNCB s’engage pour sa part à renforcer le travail conjoint avec les autres opérateurs (TEC, De Lijn, STIB) pour développer les nœuds de correspondances intermodaux.
On retrouve la même intention dans la déclaration de politique régionale du gouvernement wallon: “Pour convaincre les citoyens d’utiliser davantage les alternatives à la voiture, le gouvernement soutiendra significativement les connexions entre les divers moyens de transport et la coordination entre opérateurs de transport. Il s’inscrit clairement dans la promotion d’une mobilité intermodale et multimodale. Ce modèle de mobilité consiste à intégrer différents modes de transport”. Dans cette perspective, le gouvernement wallon a créé une autorité régionale régulatrice du transport collectif, l’AOT, en lui confiant la mission “d’assurer la concertation avec les parties prenantes locales, régionales et fédérales en vue de mettre en œuvre la politique d’accessibilité”6. Dans le contrat de service public de l’opérateur wallon OTW 2019-2023, il est par ailleurs prévu de promouvoir l’intermodalité des transports publics avec les autres opérateurs et les autres modes de transport (article 30).
La volonté existe donc d’améliorer la coordination entre les transports publics. Elle n’est cependant pas assez suivie d’effets. Les intentions existent mais restent vagues et il est difficile, voire impossible d’obtenir plus d’informations de la part du gouvernement fédéral à ce sujet. Le Contrat de service public ne fournit, par exemple, aucun calendrier concernant les projets de nœuds de correspondance. Où seront-ils situés? Quand seront-ils opérationnels?
L’auteur principal de la présente proposition de résolution a posé plusieurs questions parlementaires à ce sujet depuis janvier 2023, mais n’a obtenu que des réponses floues et partielles qui ne suffisent pas à rétablir la confiance des navetteurs en ce qui concerne les progrès réellement engrangés par le gouvernement fédéral au sujet des correspondances entre la SNCB et les opérateurs régionaux de transports publics.
Il semblerait ainsi que “la SNCB travaille avec les opérateurs régionaux sur l’alignement des horaires et les bus de rabattement vers des gares ou points d’arrêt où les conditions sont optimales. Le nombre de correspondances est un des nouveaux indicateurs ajoutés au contrat de service public”. Aucune précision n’est, toutefois, apportée sur l’organisation concrète de ce “travail” et sur le nombre de nœuds de correspondance envisagés, ni même sur leur localisation.
La liste des gares qui seront des “nœuds de correspondance” est impossible à obtenir. Quant à savoir quel y sera le temps moyen de correspondance avec un bus/tram/métro ou quelles sont les gares qui affichent les correspondances en cas de retards de trains ou comment fonctionne l’échange d’informations en temps réel entre la SNCB et les transports régionaux en ce qui concerne par exemple les retards ou les imprévus, la réponse est toujours la même: “La SNCB y travaille. Des progrès sont en cours. Le dialogue est bon. L’échange d’information en temps réel existe déjà à Namur.
La manière avec laquelle travaillent ensemble la SNCB et les sociétés de transport en commun régionales, mais aussi les autorités régulatrices du transport compétentes, est, elle aussi, impossible à connaître. Et pourtant, les résultats de cette coordination est importante à publier. Ne fût-ce que pour casser les discours populistes et simplistes qui prétendent que rien n’avance et que les élections démocratiques ne servent à rien. Aux questions suivantes: “Pouvez-vous détailler la manière dont s’est organisée cette coordination pour favoriser une plus grande intermodalité? L’offre de bus sera-t-elle adaptée en ce sens au prochain plan de transport de la SNCB? Ce dernier prévoyant 2000 trains en plus par semaine, l’offre de bus augmentera-t-elle en proportion?”, aucune réponse précise n’est donnée par le ministre compétent…
Il y aura des correspondances donc, cela va s’améliorer, nous tiendrons nos promesses, nous y travaillons, dit le gouvernement fédéral…
Dans les faits, ce travail n’est pas vécu par les navetteurs. Les correspondances trains-bus ne sont pas assez coordonnées, surtout en milieu rural, et même en heures de pointes. Il n’est pas rare de devoir attendre plus de 30 minutes pour effectuer un transfert modal entre le train et le bus. C’est d’ailleurs ce que laissent transparaître les données ouvertes (open data) disponibles. L’auteur principal s’est prêté à un exercice d’analyse de ces données pour un échantillon limité à la Wallonie. Il va de soi que cet exercice mériterait d’être objectivé dans une analyse reconnue par tous pour chaque région du pays, afin que le Parlement fédéral puisse juger de l’état de la situation à partir d’une référence commune.
L’analyse des horaires des trains SNCB et des bus TEC en Wallonie montre que seulement 29 % des correspondances train-bus et bus-train respectent un délai de 5 à 15 minutes. Cette réalité mériterait d’être formalisée par les administrations et parties concernées pour l’ensemble des régions du pays.
Que tout ne puisse pas être résolu en un jour, c’est vrai. Que des correspondances immédiates partout et tout le temps soient assurées dans n’importe quel point d’arrêt du pays, c’est impossible. Mais améliorer la situation est possible puisque les déclarations du gouvernement l’affirment.
Enfin, comme l’avait déjà recommandé le SPF Transport & Mobilité en juillet 2017, dans son document “Vision de la Mobilité en Belgique de l’Autorité Fédérale”11, un plan de transport national intégrant tous les moyens de transport public des différentes entités fédérées du pays devrait désormais être établi pour une période donnée. L’objectif viserait une coordination maximale des réseaux de mobilité et une optimisation des correspondances en milieu urbain, mais aussi et surtout en zone rurale.
En résumé, les transports en commun doivent être mieux coordonnés entre eux pour rendre plus fluide les trajets de porte-à-porte. Actuellement, les temps de correspondance entre les trains, les bus ou les trams sont trop peu fréquents et n’incitent pas les navetteurs à abandonner la voiture. La présente proposition de résolution demande au gouvernement fédéral d’adopter un plan annuel intégré de correspondances trains-tram-bus en concertation avec les Régions en fixant un objectif annuel prédéterminé à atteindre par les opérateurs de transport en matière, d’une part, de correspondances qualitatives et, d’autre part, de pourcentage de lignes de bus cadencées au départ des gares ferroviaires.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
La Chambre des représentants,
A. considérant l’importance d’améliorer la fluidité des trajets intermodaux pour encourager les automobilistes à choisir les transports en commun;
B. considérant la déclaration de politique générale du gouvernement fédéral qui vise explicitement cet objectif;
C. considérant les objectifs d’amélioration de l’inter-modalité figurant dans le Contrat de service public 2023- 2032 entre l’État fédéral et la SNCB;
D. considérant les données ouvertes (open data) disponibles relatives aux horaires des trains SNCB et des bus TEC situés à 500 mètres maximum d’une gare ou point d’arrêt montrant que seulement 29 % des correspondances train-bus et bus-train respectent un délai de 5 à 15 minutes;
E. considérant le manque d’informations concrètes permettant d’objectiver les avancées des intentions des déclarations du gouvernement fédéral en matière de coordination des horaires trains-bus;
F. considérant l’absence d’un plan national de transport qui intégrerait tous les réseaux de mobilité;
Demande au gouvernement fédéral:
- de réaliser et de rendre publique une analyse détaillée, par province, des correspondances existantes du train vers le tram ou le bus pour chaque gare et point d’arrêt du pays;
- de charger la Conférence interministérielle Mobilité d’examiner ce dossier afin de s’assurer que tous acteurs travaillent ensemble pour améliorer l’intermodalité train-tram-bus, en suivant un calendrier resserré permettant d’obtenir des résultats rapidement;
- de faire semestriellement rapport à la Chambre des représentants sur les contacts pris entre la SNCB, les autorités régulatrices de transport compétentes et les opérateurs de transport régionaux quant aux travaux sur l’amélioration des correspondances entre les trains et les bus;
- d’adopter sans délai, en concertation avec les Régions, un plan annuel intégré de correspondances fixant un ambitieux objectif annuel prédéterminé à atteindre par les opérateurs de transport en matière, d’une part, de correspondances qualitatives et, d’autre part, de pourcentage de lignes de bus cadencées au départ des gares ferroviaires.