Vanessa Matz (cdH): Madame la présidente, madame et monsieur les ministres, je trouve qu’il serait trop facile de ranger ceux qui interrogent la manière dont nous sommes saisis aujourd’hui parmi ceux qui ne veulent rien et ne veulent pas de mesures. Il y aurait d’un côté les méchants qui ne veulent pas de mesures et de l’autre, les bons, qui veulent des mesures pour lutter contre la pandémie et cette nouvelle vague, et qui dès lors doivent être d’accord avec ce texte.
La vérité se situe à mon sens ailleurs. Je voudrais essayer d’apporter la nuance nécessaire dans ce débat car il en faut. Évidemment, nous avons besoin de mesures fortes pour lutter contre la pandémie et contre cette nouvelle vague. Il serait par contre extrêmement facile d’interpréter les propos que nous tiendrions sur les modalités comme un refus de toute mesure.
Je n’ai pas besoin de vous rappeler notre opposition à l’adoption de la loi pandémie, au mois de juillet. Celle-ci permet de confier au gouvernement le pouvoir de porter atteinte aux droits et libertés de nos concitoyens, alors que normalement, c’est le Parlement qui est le garant de la protection de ces droits. Les péripéties de ces derniers jours et heures ont montré combien le gouvernement et la majorité pataugeaient depuis des mois dans la gestion juridique de la pandémie: accords de coopération improvisés, corrigés et recorrigés, décrets et ordonnances contradictoires, arrêtés royaux qui arrivent plus que tardivement, sans parler des propositions de loi qui arrivent, elles aussi, bien trop tardivement. Un chat n’y retrouverait pas ses petits!
Nous restons convaincus qu’il eût été nettement préférable d’adopter les mesures nécessaires par le biais de projets ou propositions de loi. C’était possible, mais il aurait fallu faire preuve d’un minimum de sens de l’anticipation. Or ce n’est pas le point fort de ce gouvernement, qui a généralement un temps de retard, plutôt qu’un coup d’avance.
Depuis la fin du mois d’août, nous savions que les contaminations reprendraient à l’automne. Notre collègue Catherine Fonck a, plus que régulièrement, réinterpellé à ce sujet, en rappelant la difficulté qu’allait représenter la pandémie à ce moment. Depuis lors, nous savons aussi quelles mesures il convient de prendre pour limiter ces contaminations. Il était donc parfaitement possible d’adopter à un rythme raisonnable les mesures nécessaires par le biais d’une loi.
Il nous est demandé aujourd’hui d’approuver l’arrêté royal déclarant la situation d’urgence épidémique et de valider les pouvoirs spéciaux accordés au gouvernement pour gérer l’épidémie, notamment en réduisant nos droits et libertés.
Vous comprendrez que nous ne pouvons pas, par le biais d’un vote positif, valider un mode de gestion de crise qui est peu démocratique, puisqu’il laisse le Parlement de côté, mais aussi parce qu’il manque d’efficacité. En effet, d’une part, il opère une délégation à un gouvernement qui n’a guère brillé par sa clairvoyance et son sens de l’anticipation. Et, d’autre part, il prive les mesures adoptées de la légitimité que leur conférerait une adoption par les représentants de la nation. Cela ne favorise donc pas l’adhésion de nos concitoyens à ces mesures.
Surtout, ne voyez pas dans notre refus de soutenir votre méthode une opposition à une adoption rapide des mesures destinées à lutter contre l’augmentation des contaminations, des hospitalisations et du nombre de morts. La situation est grave, et nous en sommes parfaitement conscients. Par conséquent, nous ne contestons pas les mesures qui doivent être prises, mais bien la manière dont vous voulez les prendre sur la base de la loi pandémie. Or il eût été possible, dans un processus classique et démocratique de projets et propositions de loi, de débattre de l’opportunité des mesures à prendre depuis la fin de l’été.
En résumé, nous ne contestons pas les mesures prises, mais nous refusons que ce soit le gouvernement qui les prenne. C’est pour nous une question de démocratie. Je vous remercie.