Séance plénière du 10 novembre 2021
Vanessa Matz (cdH): Monsieur le président, rassurez-vous, je ne serai pas très longue. J’ai longuement eu l’occasion, en commission, de faire valoir nos différents arguments par rapport à ce texte. Je voudrais ici très rapidement rappeler quelques points qui continuent à nous interpeller.
J’écoute les discussions depuis ce matin. Nous avons le sentiment, par rapport à ce texte, que vous êtes devant une belle vitrine d’aliments plus succulents les uns que les autres. Vous êtes extrêmement attirés par cette vitrine, et vous avez vraiment envie d’entrer pour aller acheter quelques pièces. Mais quand vous entrez, en fait, on vous dit: « Ah non, celui-là, il n’y en a plus! Attention, cet aliment-là contient beaucoup de sucre et beaucoup de graisse! Attention, vous ne pouvez pas acheter dix pièces mais vous devez acheter un plus grand conditionnement! »
Au travers de cette métaphore de la vitrine bien garnie, je veux dire que ce projet de loi nous semble être soutenable sur le principe. Nous voulons soutenir ce principe que vous voulez mettre en place. Mais sur les modalités pratiques, il reste des questionnements – nous l’avons vu au travers de la discussion. Il y a des positionnements politiques, mais je ne parle pas ici de positionnements politiques. Je parle de questionnements par rapport à des questions techniques.
Je sais que vous êtes, en deuxième lecture, venu nous expliquer comment vous pensiez arriver à la neutralité budgétaire. Nous savons que cela reste fragile, au niveau des chiffres que vous produisez. Cet aspect budgétaire est très interpellant.
Cet après-midi, au travers des questions d’actualité, des collègues reviendront évidemment sur cette question. Au fond, un projet de loi de verdissement des véhicules de société est-il vraiment un verdissement? Il faut tenir compte du fait que la production électrique doit se faire notamment via des centrales au gaz. La question du nucléaire se pose. Tout le monde voudrait évidemment s’en débarrasser, mais il faut avoir, par contre, des alternatives crédibles et qui n’augmentent pas nos émissions de CO2; la question de la production électrique se pose. J’ai entendu certains collègues de la majorité émettre évidemment les mêmes interrogations. S’agit-il vraiment d’un projet de verdissement? En effet, il faut produire l’électricité d’une certaine manière, et selon les choix que le gouvernement pose, on peut tout de suite contredire le principe même du projet, ou à l’inverse, dire que l’on va réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Cela reste une question fondamentale. On sait que le gouvernement ne semble ni très coordonné ni très uni sur la question de la sortie du nucléaire et des alternatives. L’actualité extrêmement récente nous démontre encore ce matin que les choses semblent très compliquées. C’est la première question et elle n’est pas anodine dès lors qu’on parle d’un projet de verdissement.
Je sais que cela ne concerne pas le ministre des Finances en tant que tel mais il vient bien sûr, au nom du gouvernement, défendre un projet qui semble en contradiction avec d’autres principes pour lesquels le gouvernement semble quelque peu hésitant ou du moins pas raccord avec ceux-ci.
Le deuxième problème de taille que soulève ce texte est évidemment celui des réseaux de distribution d’électricité. Ceci renvoie vers les entités fédérées et j’en profite pour insister sur l’indispensable coordination que vous devez mettre en place de manière urgente avec les autres entités. Je l’ai souligné à de nombreuses reprises pendant la commission. Alors que le gouvernement fédéral est compétent pour l’approvisionnement et le transport, les gouvernements régionaux du pays, eux, sont compétents en matière de distribution.
Nous ne pouvons que nous interroger: les réseaux de distribution du nord, du centre et du sud du pays sont-ils prêts à atteindre les objectifs poursuivis à travers ce projet de loi, notamment en termes de développement de bornes et de voitures électriques? Nous sommes dubitatifs à cet égard. L’évaluation générale du dispositif que vous prévoyez en 2026 nous semble très éloignée des objectifs, puisqu’ils dépendent des entités fédérées. Néanmoins, vous ne pouvez pas dire: « Après moi, les mouches! Je m’occupe de mon projet. Ma vitrine est tellement belle que tout le monde a envie d’entrer dans le magasin pour se régaler, mais nous manquons de munitions. »
Si, dans son discours, le texte s’affiche comme volontariste, j’aurais tendance à le voir comme partiellement passéiste. En commission, j’ai notamment eu l’occasion de vous interroger au sujet des véhicules hybrides, parce qu’aucune distinction fiscale n’est établie entre les vrais et les faux. Il n’est prévu aucun incitant en fonction de leur nature. Cela me donne encore plus de grain à moudre quant à votre intention de construire une belle vitrine, derrière laquelle on ne pourra opérer aucune distinction entre les produits. Nous savons que les voitures de société acquises à partir du 1er janvier 2023 ne bénéficieront que d’une déductibilité fiscale des frais d’essence ou de diesel limitée à 50 %, sans aucune distinction entre ces véhicules.
Ensuite, on sait aussi que le gouvernement fédéral et les entités fédérées travaillent au rétrofit. Pour nous, cela est extrêmement important. Pour rappel, le rétrofit consiste à remplacer le moteur thermique d’une voiture par une batterie rechargeable, à hydrogène ou encore au gaz. Il permet d’allonger la durée de vie du châssis. Cela est donc plus que bénéfique car non seulement on travaille sur le climat en matière d’émissions de CO2, mais on ne reproduit également pas de nouveaux véhicules.
Comme abordé en commission, je me demande si l’administration fiscale est suffisamment outillée actuellement pour pouvoir contrôler les véhicules qui auraient été modifiés. Cette question est relativement restée sans réponse. De même, ne faudrait-il pas mettre en place une déductibilité fiscale majorée pour ces véhicules rétrofit, dès lors qu’ils sont doublement bénéfiques pour le climat?
Il s’agit là des grandes questions sur lesquelles j’étais intervenue en commission et sur lesquelles j’ai toujours des interrogations actuellement, non pas parce que je suis dans l’opposition, mais parce qu’elles n’ont pas reçu de réponses. Ce sont des questions techniques, mais dont nous soutenons le principe. Pour tous ces motifs et parce que je n’ai pas eu d’apaisement sur ce texte, nous nous abstiendrons sur les aspects de celui-ci, en raison de l’absence de rouages essentiels sur ce texte, afin qu’il représente plus qu’une simple belle vitrine ou un beau slogan et qu’il soit effectivement bénéfique pour le climat.