En 2013, la loi réformant les régimes d’incapacité et instaurant un nouveau statut de protection conforme à la dignité humaine était adoptée.
En mars 2022, le Conseil Supérieur National des Personnes Handicapées (CSNPH) publiait un avis d’initiative (2022/14) s’appuyant sur un avis du Conseil supérieur de la Justice de juillet 2019 et sur un groupe d’experts.
Dans son avis, le CSNPH recommande notamment au gouvernement d’accorder aux justices de paix les moyens humains suffisants pour leur permettre de mieux coller aux principes de base de la loi, à savoir que la capacité est la règle et l’incapacité l’exception, cela pour chaque individu concerné et pour chacun des actes. Le CSNPH recommande ainsi de désigner le plus souvent possible l’administrateur dans l’entourage de la personne à protéger et de désigner une personne de confiance, de privilégier l’assistance au détriment de la représentation, de veiller à ce que les personnes protégées qui en ont la possibilité puissent gérer certaines dépenses et accéder à leurs extraits de compte, de permettre aux administrateurs familiaux de communiquer avec la justice de paix par documents papier, de simplifier l’accès à la procédure de recours.
Le CSNPH conteste le droit qu’a le juge d’interdire à une personne l’exercice des droits civiques. Le CSNPH rappelle que le degré de protection est susceptible d’évoluer, ce qui suppose l’adaptation si nécessaire de la mesure de protection, voire de la lever. Le CSNPH recommande de mieux encadrer les frais imputables à la personne protégée, tant au niveau des frais de déplacement du juge et de son greffier ainsi que, et c’est un point particulièrement sensible, au niveau des frais de l’administrateur professionnel. Le CSNPH insiste ainsi sur la nécessité de tarifer les prestations des administrateurs professionnels et sur l’adoption d’un code de déontologie. Enfin, le CSNPH constate et déplore les divergences de pratiques d’un canton judiciaire à l’autre et va même jusqu’à écrire que « les Belges ne sont pas égaux devant la loi ».
Vous avez été partie prenante à l’élaboration du Plan d’action fédéral Handicap (2021-2024). Concernant l’administration de biens, deux points étaient retenus: une évaluation de la loi sur l’administration temporaire et un
encadrement des activités des administrateurs professionnels.
En ce qui concerne l’encadrement des administrateurs professionnels, celui-ci vise un encadrement de la qualité des services (formation obligatoire, déontologie), des tarifs (prévisibles et raisonnables), et la création d’un organe de contrôle et de médiation des administrateurs professionnels.
Il nous revient que vous travaillez sur la rémunération, qu’un avant-projet d’arrêté royal aurait été abandonné, qu’un groupe de travail aurait pris place et qu’un nouveau projet de loi aurait été soumis cette année au CSNPH afin de cadrer les activités des administrateurs: définitions, forations, incompatibilités. La rédaction du code de déontologie et la définition du cadre de rémunérations seraient dans ce projet réglées par arrêtés royaux. Le CSNPH demande à être consulté lorsque ces arrêtés seront en cours d’élaboration. Il demande que le coût des formation ne soit pas répercuté sur les personnes protégées ou sur les administrateurs familiaux.
Vous avez lancé plusieurs projets de législations qui comportent des aspects positifs en termes de clarification. Mais rien ne s’est concrétisé. On réfléchit, on prépare des textes, on se concerte. Et dans l’intervalle, l’ensemble des acteurs de la protection judiciaire manquent toujours d’un cadre de référence.
- Dans le rapport intermédiaire de 2023 relatif au Plan d’action fédéral Handicap, je constate que l’évaluation de la loi semble avoir été abandonnée, pour quels motifs? Abandonnez-vous la possibilité d’une réforme de la loi?
- Toujours d’après le rapport intermédiaire, la possibilité de fournir un soutien aux administrateurs familiaux à partir des bureaux des greffiers aurait été étudiée. Cependant, cela aurait un impact budgétaire trop important et ne serait pas conciliable avec le rôle de greffier. Les alternatives privilégiées comprennent, disiez-vous dans le rapport, une fiche d’information pour les administrateurs familiaux et la possibilité d’une formation. Quel est l’état d’avancement de cette fiche et de cette formation?
- Au-delà de l’évaluation de la loi, quand et comment envisagez-vous d’adopter des mesures pour cadrer les activités des administrateurs? Dans ce domaine au moins, l’avancement de la concertation devrait vous permettre de définir une ligne de conduite claire et précise.
Réponse du Vice-premier ministre et ministre de la Justice, chargé de la Mer du Nord du 29 septembre 2023, à la question n° 2009 de Madame la députée Vanessa Matz du 27 juillet 2023 (Fr.):
1 L’évaluation de la réforme des incapables majeurs est inscrite à l’article 224 de la loi du 17 mars 2013 réformant les régimes d’incapacité et instaurant un nouveau statut de protection conforme à la dignité humaine. Elle doit porter en particulier sur le fonctionnement de la protection extrajudiciaire, l’administration et la charge de travail des justices de paix. Le résultat de cette évaluation doit être porté à la connaissance des Chambres législatives au plus tard le 30 juin 2024. Cette évaluation est bien en cours. Un marché public a été attribué à un consortium d’universités qui doit se pencher sur les aspects visés à l’article 224 précité et commentés dans l’exposé des motifs.
2 et 3. Un projet de loi relatif au statut des administrateurs a été adopté en Conseil des ministres et vient d’être déposé à la Chambre des représentants (55 K3544). Il a été soumis à tous les acteurs concernés (avocats, juges de paix, Conseil Supérieur National des Personnes Handicapées, etc.). Il ambitionne de mieux soutenir les administrateurs familiaux et d’encadrer la fonction d’administrateur professionnel.
Les greffes auront désormais l’obligation de porter à la connaissance des administrateurs familiaux fraîchement désignés des sessions d’information qui sont organisées dans l’arrondissement judiciaire. Ils leur communiqueront également un guide pratique sur les modalités de leur mandat. Ce guide a été rédigé par la Fondation Roi Baudouin en concertation avec la Fédération Royale du Notariat belge et avec mon administration. Il a été mis à jour le 24 janvier 2023. Ils leur communiqueront enfin des informations sur les permanences ou les initiatives organisées dans l’arrondissement judiciaire susceptibles de les aider dans l’exercice de leurs missions.
Plutôt que de remplacer systématiquement un administrateur familial en cas de légère défaillance constatée par le juge dans l’exercice de son mandat, le juge pourra conditionner la poursuite de ses missions au suivi d’une formation dont il fixera les modalités.
Ce projet de loi soumettra dorénavant les personnes qui exercent la fonction d’administrateur à titre professionnel à un certain nombre de conditions particulières (suivi d’une formation, respect d’un code de déontologie, présentation de certaines qualités personnelles et matérielles particulières, absence de sanctions disciplinaires ou pénales incompatibles avec la fonction d’administrateur).
Tout administrateur professionnel qui satisfait aux différentes conditions légales sera inscrit dans le registre national des administrateurs professionnels. Il s’agit d’un registre informatisé qui contiendra, d’une part, certaines données d’identification propres à chaque administrateur et, d’autre part, une liste des administrateurs.
Seuls les administrateurs professionnels repris dans la liste pourront être désignés comme administrateurs d’une personne protégée. Tout administrateur qui en est retiré sera automatiquement remplacé par un autre.
Le projet de loi met enfin en place un régime disciplinaire spécifique.