Face à une société menacée de déshumanisation fondée sur le matérialisme et l’individualisme. #debout
Vanessa MATZ
Notre époque, où la société et l’économie de marché sont de plus en plus assujetties à la dynamique du capitalisme et de l’innovation technologique qui en est inséparable, qui est menacée de déshumanisation. Une modernisation fondée sur le matérialisme, donc sur le profit, et sur l’individualisme, donc sur la solitude et l’aliénation, rabaisse l’homme et l’empêche de vivre debout.
Le confort individuel s’enrichit chaque jour de gadgets nouveaux mais qui se font encombrants et souvent endettent inutilement les ménages. Nos voitures sont de plus en plus sûres et commodes, mais nous restons coincés dans les embouteillages tandis que les particules fines tuent insidieusement nos enfants et nos aînés. L’agriculture qui a longtemps vu ses rendements exploser, est entrée dans une phase où la productivité épuise les sols et les nappes phréatiques déjà menacées par le réchauffement.
Le numérique a révolutionné notre accès à l’information et au savoir, et nous connecte en permanence avec nos proches et avec le monde. Mais nous sommes infectés par les fake news, conditionnés par les algorithmes. Les mots eux-mêmes, chassés par les images, finissent par nous manquer. Notre langage est plus sommaire, moins précis, plus brutal aussi. Et surtout, nous nous coupons des autres : connectés au monde (virtuel), nous nous coupons des autres et nous ne leur parlons plus assez. L’échange relationnel s’appauvrit.
Ces exemples nous montrent qu’à toute médaille, son revers, à tout progrès, son recul. La modernisation effrénée porte aussi en elle le risque d’une déshumanisation. C’est la mission du politique de protéger la société contre cette dérive inscrite dans la logique même de notre système économique et qui prépare, prenons-en conscience à temps, à un épisode de barbarie.
Soutenons les efforts de résistance qui se manifestent un peu partout : dans l’émergence d’une agriculture bio plus saine et plus respectueuse de la terre ; dans les écoles qui innovent pour accueillir des enfants dyslexiques ou autistes, ou pour contrer à la source le handicap culturel de la pauvreté ou de l’immigration ; chez les cyclistes qui laissent leur voiture au garage ; dans les bibliothèques de quartier qui poussent et appuient au retour à la lecture ; dans les maisons où se réfugient les femmes battues ; dans ceux des hôpitaux où le personnel médical traite chaque malade d’abord comme une personne ; dans l’hébergement d’immigrés, assuré chaque soir par des volontaires au Parc Maximilien ; dans les mouvements de jeunesse où se maintient une culture dans laquelle l’entraide va de pair avec le dépassement de soi.
L’humanisme, disait le grand poète et résistant René Char, est l’unique manière de façonner des « hommes debout ». Soutenons les associations où des hommes et des femmes debout parce que libres et solidaires, agissent sur le terrain et inventent, par leur intelligence collective et leur créativité, les valeurs sociétales de notre communauté humaine. Soyons jaloux de leur tendresse pour leurs frères. Le combat pour un monde plus humain commence avec eux.
L’humanisme, disait le grand poète et résistant René Char, est l’unique manière de façonner des « hommes debout ».
Vanessa MATZ