Vanessa Matz (Les Engagés): Monsieur le président, madame la ministre, ces questions, nous préférerions ne pas les poser dans le contexte violent et complètement inadmissible qui entoure l’EVRAS. On s’en prend à des établissements scolaires. Derrière ces derniers se trouvent des enfants, des enseignants, des parents. Ces actes sont vraiment très odieux. Ils sont basés sur une partie de fake news sur les réseaux sociaux, avec des personnalités actives ultra-conservatrices et des complotistes. On a affaire à une criminalité particulièrement vicieuse, insidieuse et extrêmement inquiétante.
Lors d’une conférence de presse le 15 septembre dernier, vous avez mentionné que la situation était suivie de près par les autorités et par les services de sécurité et de renseignements, que des spécialistes ont été chargés d’analyser l’ensemble des sites internet qui relaient ces informations au sujet de l’EVRAS. Nous jugeons important – nous savons bien sûr que cela ne dépend pas que de vos services – de pouvoir porter ce dossier aujourd’hui pour réaffirmer toute la condamnation par rapport à ces actes, mais aussi pour connaître les différents leviers qui, dans vos compétences, ont pu être activés. En ce qui concerne la première question, on sait que six écoles à Charleroi et deux écoles à Liège ont été touchées par ces actes odieux.
- Y a-t-il d’autres établissements touchés dont l’attaque n’aurait pas été relayée par la presse?
- Comment éviter que d’autres établissements le soient?
- Vous avez annoncé, lors de la conférence de presse du 15 septembre dernier, que la police fédérale allait venir en aide aux polices locales.
- Pouvez-vous davantage nous détailler la mesure?
- Combien de policiers fédéraux seront-ils mobilisés?
- De quel(s) service(s) proviennent-ils et comment leur répartition entre les villes se déroulera-t-elle?
- Quelles seront les missions de la police fédérale? Combien de temps cet appui durera-t-il?
- L’OCAM suit évidemment la situation de près, c’est une excellente chose, mais en attendant le résultat de l’enquête des services de sécurité, qu’allez-vous faire des sites de désinformation?
- Avez-vous la possibilité – on sait que cela existe pour d’autres thématiques telles la pédopornographie, la violence en ligne – de désactiver ces sites Internet?
- Avez-vous pu lister leur nombre approximatif?
- Où en est l’état d’avancement de l’enquête menée par les services de sécurité?
- Combien de temps cela risque-t-il de prendre avant d’obtenir des résultats?
- Que risquent les auteurs de cette désinformation?
- Avons-nous un levier contre les sites ou les personnes basées à l’étranger?
- Nous savons évidemment qu’un certain nombre sont activés depuis l’étranger. Pouvons-nous à tout le moins prévoir qu’ils ne puissent plus diffuser de fake news sur notre territoire?
Ce sont des thématiques extrêmement complexes.
On sait que lorsque les serveurs sont hébergés à l’étranger, des commissions rogatoires sont entre autres nécessaires. Votre collègue de la Justice sera peut-être plus à même de répondre sur ce point précis.
L’accord de gouvernement prévoit ceci: « Le gouvernement renforcera les mesures à prendre dans la lutte contre la désinformation et la propagation des infos qui sont une réelle menace pour la démocratie. » Comment le gouvernement a-t-il, de manière plus globale, pu avancer sur ces thématiques dont on voit ici, avec cette nouvelle crise, l’importance capitale? Nous l’avions déjà vu notamment durant le covid et dans d’autres thématiques.
Il me semble important que nous puissions débattre de ces sujets qui sont au cœur même de la démocratie.
Annelies Verlinden, ministre: Chers collègues, je crois que c’est le premier débat important de cette année parlementaire.
Comme je l’ai dit précédemment, il est hors de question que nos enfants et nos écoles soient des cibles. Quand on veut exprimer son opinion lors de manifestations, tout est possible. Mais la violence à l’encontre des endroits où les enfants et le corps enseignant se trouvent et doivent se sentir protégés est inacceptable. Nous ferons tout pour y mettre fin. C’est la raison pour laquelle tous les partenaires de la sécurité et les autres acteurs concernés se sont réunis lors d’une première réunion d’urgence, vendredi dernier, sous la supervision et la coordination du Centre de Crise, afin d’analyser immédiatement la situation.
Cette réunion a notamment donné lieu à une vigilance accrue de la part de l’ensemble des services envers toutes les écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles. À l’heure actuelle, sept écoles sont concernées dont six à Charleroi et une à Liège. Les enquêtes sont toujours en cours. D’autres actes de vandalisme sont suivis de très près comme des tags, des graffitis, ou des signes, etc.
En ce qui concerne les établissements scolaires de Charleroi, suite à l’analyse de l’Organe de coordination pour l’analyse de la menace (OCAM), le Centre de Crise a pris diverses mesures. Ainsi, ces établissements sont considérés comme prioritaires auprès des centrales d’urgence 101. Une personne de contact a été désignée dans les zones de police locale. Des patrouilles orientées ont été demandées dans la zone de police de Charleroi, en collaboration avec la police fédérale.
Cela signifie que la direction et les enseignants de ces écoles savent qui contacter, dans quelles circonstances, lors d’un incident ou s’il y a quelque chose d’important qui se passe. Des liens très étroits ont ainsi été créés entre la direction ou l’organisation de l’éducation et les services de sécurité.
Concernant l’articulation des forces de police, la police fédérale appuie les zones de Charleroi et de Liège, avec un renfort du Corps d’intervention (CIK) et de la réserve fédérale, qui a été engagée afin de renforcer la zone de police de Charleroi dans la nuit du 14 septembre. Nous nous concertons avec les autorités locales et les zones de police locale pour voir comment faire pour avoir cette réserve fédérale. Cette capacité n’étant pas illimitée, nous examinons les événements et le niveau de menace. S’il y a la capacité, la police fédérale viendra en appui des zones locales. On ne peut pas mettre un policier à chaque coin de rue ou devant chaque école, ce qui ne donnerait pas non plus une image de sécurité, mais nous faisons tout ce qui est possible pour garantir la sécurité de ces écoles.
Le Centre de Crise a organisé deux réunions de coordination à la suite des incidents à Charleroi et à Liège. Le point de la situation a été fait avec les services de police et de renseignement, ainsi qu’avec l’OCAM. Pour des raisons de confidentialité, je ne peux pas communiquer en détail toutes les mesures que nous avons prises, mais je peux vous dire que nous avons décidé des mesures dont je viens de parler, et d’un lien étroit, d’un point de contact au sein des zones de police locale. L’OCAM, en collaboration avec les services partenaires, ne manquera pas d’ajuster le niveau de menace envers les écoles, les organisations potentiellement affectées ou les personnes. Après quoi, le Centre de Crise pourra décider d’éventuelles nouvelles mesures en fonction de cette évaluation.
Les cabinets du ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles, M. Jeholet, et de la ministre de l’Éducation, Mme Désir, ont également été impliqués lors de la dernière réunion et ont été informés des mesures qui ont été prises. C’est important car je ne peux m’imaginer l’impact de ces événements sur le corps enseignant. Nous continuerons à les informer dans les jours à venir.
Quant au volet judiciaire, l’exécution actuelle de plusieurs enquêtes judiciaires ne me permet pas d’apporter une réponse à ces questions. Les autorités judiciaires sont ici compétentes pour formuler d’éventuels éléments d’informations.
Comme vous le savez, les caméras ont fourni des images. J’espère que les enquêtes pourront faire de rapides progrès afin que les auteurs soient confondus et qu’ils soient sanctionnés. Ces comportements violents sont inacceptables. Il importe qu’un signal très clair soit donné.
Suite aux incidents, les services de sécurité fédéraux ont renforcé, ce vendredi, le screening de l’ensemble des sites internet relayant des informations sur le guide EVRAS. Les sites propageant des discours haineux sont répertoriés et rapportés à la Computer Crime Unit de la police fédérale qui prendra des actions. Pour chaque site propageant des discours haineux et des fake news sur le guide EVRAS une enquête sera systématiquement lancée en vue d’en déterminer les flux de financement. En fonction du monitoring effectué de la désinformation constatée, des actions de communication pourront être entreprises.
Concernant l’engagement de la Sûreté de l’Etat dans ce phénomène, je me permets de vous renvoyer vers mon collègue, le ministre de la Justice.
Quant aux actions de vandalisme ou de dégradation sur des monuments, il relève de la compétence locale de prendre les mesures afin de protéger ces monuments.
Vanessa Matz (Les Engagés): Merci, madame la ministre, pour la réactivité par rapport à ce dossier dont nous avons toutes et tous condamné la matérialisation de l’opposition à une mesure. L’opposition doit être exprimée via le débat, et non via la violence, l’intimidation ou le chantage – car il s’agit ici d’une forme de chantage pour éviter le débat.
Vous avez partiellement répondu à nos questions très précises. Je comprends évidemment que dans ce contexte, des informations doivent être tenues secrètes et traitées par les services ad hoc. Nous sommes très attentifs, tout comme – je l’espère – l’ensemble du gouvernement en collaboration avec les entités fédérées, à ce dossier et nous espérons, tout comme vous, que les auteurs pourront être rapidement poursuivis et traduits en justice pour l’infamie de leurs actes. Nous espérons aussi que la situation sera suivie de très près.
Nous devrons avoir un débat plus large sur la manière d’être beaucoup plus efficace sur les réseaux sociaux, pour ce qui concerne ce dossier en particulier mais également plus largement lorsque des contenus doivent être retirés, censurés. Je suis désolée d’employer ce mot mais c’est bien de cela qu’il s’agit car cela touche à des enjeux qui sont au cœur même de la démocratie.
Ces contenus viennent combattre de plein fouet toute une série de principes qui fondent l’État de droit.