Vanessa Matz (cdH): Monsieur le président, merci de m’avoir attendue.
Monsieur le secrétaire d’État bonjour. Nous avons pu récemment découvrir sur les réseaux sociaux les vœux d’un parti politique, à savoir le vôtre, le Mouvement Réformateur. J’ai été particulièrement étonnée de la localisation depuis laquelle ces vœux rassemblant, entre autres, Sophie Wilmès, Georges-Louis Bouchez ou encore Louis Michel ont été prononcés.
En effet, cette vidéo est tournée depuis divers endroits de l’intérieur du Palais de Justice de Bruxelles. L’impartialité de la Justice est l’une des pierres angulaires de notre démocratie. L’institution de la Justice doit non seulement être neutre, mais aussi apparaître comme telle pour garantir sa crédibilité mais aussi sa légitimité auprès de notre population. Il est donc particulièrement questionnant qu’un parti politique organise un événement politique dans le bâtiment le plus représentatif de la Justice en Belgique. Ce regrettable mélange des genres pourrait laisser penser que la Justice est inféodée à un parti politique.
J’ai bien sûr interrogé votre collègue de la Justice la semaine dernière sur ce point. Voici donc quelques questions:
- Estimez-vous que cette utilisation d’un bâtiment public soit déontologique et légale?
- Ne trouvez-vous pas qu’elle affaiblit l’image du pouvoir judiciaire, si important dans notre démocratie?
- Une autorisation a-t-elle été demandée par le parti politique en question et, si oui, à quelle instance?
- Votre collègue, le ministre de la Justice, m’a répondu la semaine dernière que la présidente de la Cour de cassation avait, entre autres, marqué son accord. Je l’ai questionné au sujet de l’expression ‘entre autres’, demandant si la Régie des Bâtiments avait été saisie. Il m’a renvoyé vers vous pour cette réponse. La Régie des Bâtiments a-t-elle effectivement été saisie de cette demande?
- Une compensation financière a-t-elle été demandée pour l’occupation du Palais de Justice?
- Dans l’affirmative, quel est son montant et comment ce montant a-t-il été déterminé?
- Dans la négative, comment justifier l’occupation gratuite d’un bâtiment fédéral?
Mathieu Michel, secrétaire d’État: Madame la députée, merci pour votre question. Comme mon collègue le ministre de la Justice, je peux vous confirmer les éléments suivants. Le demandeur, à savoir le Mouvement réformateur, dont j’apprends que vous suivez les vidéos sur Facebook, a formulé une demande auprès de la première présidente de la Cour de cassation. Celle-ci a effectivement transité par mon cabinet.
Nous avons relayé la demande auprès de la première présidente de la Cour de cassation et aussi auprès de la Régie des Bâtiments, afin de réaliser une vidéo au sein du palais de justice de Bruxelles, consacrée à ses vœux annuels.
Toutes les demandes ont été formulées et acceptées. Il s’agissait bien de prises de vues et non d’un congrès politique. Pour cette occupation, la présidente de la Cour de cassation a demandé expressément que l’occupation soit limitée à deux heures, et uniquement dans la salle des pas perdus, qui, pour rappel, est un espace ouvert au public. Ces deux exigences ont été respectées par le demandeur. Le tournage s’est déroulé un samedi, afin de limiter l’impact sur le justiciable.
Enfin, pour rappel, madame Matz, de nombreux lieux appartenant à l’État, comme le palais de justice de Bruxelles, sont accessibles moyennant certaines conditions: demande, assurances, limitation de l’occupation, limitation de l’impact sur les occupants des lieux, dans le cadre de la réalisation de prises de vues, de vidéos ou de films. Cela arrive très régulièrement.
Dans le cadre du tournage au sein du palais de justice de Bruxelles, aucune rétribution n’est demandée au demandeur, ni par la Régie des Bâtiments, ni par l’ordre judiciaire.
Je peux par ailleurs vous assurer que la neutralité de la justice a toujours été préservée.
Vanessa Matz (cdH): Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie. Je voudrais vous interroger sur la séquence des autorisations.
Est-ce la Régie des Bâtiments qui a d’abord marqué son accord, et puis la présidente de la Cour de cassation qui a précisé les modalités avec les deux heures de tournage le samedi, etc.? Ou est-ce l’inverse qui a été sollicité? Je ne sais pas si je peux, monsieur le président, me permettre cette question complémentaire à M. le secrétaire d’État?
Le président: Il y a une liberté de parole des députés dans les répliques, avec éventuellement une sous-question. C’est au secrétaire d’État de décider.
Mathieu Michel, secrétaire d’État: Avec grand plaisir! En gros, la demande est arrivée à mon cabinet. Nous avons transmis la demande à la Régie des Bâtiments, qui l’a envoyée à la présidente de la Cour de cassation. Cette dernière a répondu, comme je viens de l’évoquer.
Vanessa Matz (cdH): Il y a donc eu une forme de… La Régie des Bâtiments a dit: « Pour nous, cela ne pose pas de problème. C’est à vous de décider. » En gros, si je comprends bien. Vous me dites que de nombreux films ont été réalisés dans différents bâtiments publics.
D’abord, il ne s’agit pas de n’importe quel bâtiment public. Et il ne s’agit évidemment pas de n’importe quel film, vidéo, non plus qui a été tourné; puisqu’il s’agit des vœux d’un parti politique. Le fait qu’une organisation, association, société commerciale tourne des vœux depuis un palais de justice ou un bâtiment de l’État, ce n’est pas tout à fait la même chose, si je peux me permettre, que si un parti politique le fait.
Vous me garantissez, évidemment, que la préservation de la neutralité et de l’impartialité de la justice a été garantie à cette occasion. Vous savez aussi que ce qui importe, c’est l’apparence qui est donnée; et c’est vrai que par rapport à l’apparence de neutralité et d’impartialité, on peut évidemment être un peu circonspect.
C’est ce qui me laisse un peu sur ma faim. Lors de ma question au ministre de la Justice, un autre parti non démocratique s’était joint à moi et n’a pas manqué de dire qu’il ne manquerait évidemment pas de faire pareille démarche auprès de votre cabinet, de la Régie ou de la présidente de la Cour de cassation, puisque cela avait été accordé une fois. Cela ouvre évidemment la porte à beaucoup de choses et à beaucoup de permissions qui, dans notre État démocratique, ne seraient pas admissibles.
Je pense simplement que c’est un très mauvais exemple qui a été donné et qu’il laisse la porte ouverte à une série de choses que je viens de vous énoncer. Elle ouvre la porte à la probabilité que des partis non démocratiques qui contestent les piliers même de notre État, et les principes fondamentaux qui le garantissent comme l’impartialité de la Justice, l’utilisent.
Je vous remercie.
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Quand les voeux du MR sème la zizanie : Article Le soir en ligne