Vanessa Matz (cdH): Monsieur le président, vous me permettrez de poser cette question, pour des raisons particulières que beaucoup de mes collègues connaissent. Monsieur le ministre, j’avais interrogé votre prédécesseure, il y a un an, au sujet du non-remboursement de l’Aimovig, un médicament qui traite les migraines particulièrement douloureuses, et dont l’efficacité a été démontrée chez certains patients, et même de nombreux patients, mais dont le coût reste fort élevé – de 500 à 1 000 euros par mois – parce qu’aucun accord n’a pu être trouvé avec la firme pharmaceutique qui fabrique le médicament.
Mme De Block avait alors répondu que pour le premier dossier en 2018 pour l’Aimovig 70 mg: « L’analyse de la CRM a fait apparaître que le rapport entre les coûts et les bénéfices escomptés n’était pas favorable, avec un prix clairement élevé par patient pour l’assurance maladie. Il y avait, en outre, un certain nombre d’incertitudes au sujet de ce médicament, telle que sa plus-value dans la population cible proposée par Novartis ».
En 2019, la firme avait introduit un nouveau dossier auprès de la Commission de remboursement des médicaments pour l’Aimovig dosé à 140 mg. La ministre avait précisé que « tant que le dossier est en traitement, je ne peux pas en prendre connaissance. Je comprends tout à fait les migraineux qui ont fondé tous leurs espoirs de guérison sur ce médicament.
Toutefois, la seule chose que je puisse faire, c’est attendre un nouvel avis ». Plus globalement, les recherches sur les traitements contre la migraine sont très encourageantes ces dernières années et offrent de l’espoir pour les nombreux patients qui souffrent de cette maladie particulièrement invalidante qui peut avoir un impact très lourd sur la vie familiale et professionnelle. Des collectifs de patients et l’unité de recherche sur les céphalées de l’Université de Liège vous ont interpellé, par courrier du 14 novembre dernier, sur le même sujet.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire où en est le dossier relatif au remboursement de l’Aimovig 140 mg?
Des dossiers ont-ils été introduits pour d’autres médicaments similaires à base d’anticorps monoclonaux commercialisés par d’autres firmes?
Si oui, où en sont ces dossiers?
Des décisions de remboursement ont-elles été prises?
De manière plus globale, avez-vous défini vos intentions quant aux mesures à adopter pour améliorer la vie de ces patients (remboursement des traitements, soutien à l’activité professionnelle, etc.)?
Frank Vandenbroucke, ministre: Monsieur le président, madame Matz, je commencerai par récapituler quelques faits. En septembre 2018, Novartis a soumis un dossier à la CRM pour l’admission au remboursement du médicament Aimovig 70 mg.
Après évaluation de la demande par la CRM, la possibilité de conclure une convention entre l’INAMI et Novartis pour inscrire temporairement le médicament dans la liste des spécialités pharmaceutiques a été examinée.
À l’issue des négociations, le groupe de travail responsable a émis un avis négatif concernant l’admission au remboursement d’Aimovig 70 mg. Sur la base de l’analyse de la CRM, il est apparu que le coût pour l’assurance maladie par patient était très élevé et qu’il existait plusieurs grandes incertitudes liées à ce médicament, notamment en ce qui concerne l’incidence budgétaire potentielle et la plus-value du médicament auprès de la population cible proposée par la firme.
Le groupe de travail a estimé que la compensation budgétaire proposée par la société était insuffisante compte tenu des éléments précités. En mars 2019, Novartis a soumis un dossier à la CRM pour le remboursement d’Aimovig à la dose de 140 mg. Des négociations ont également été entamées avec la firme pour ce dossier, mais le groupe de travail est parvenu à la même conclusion et a formulé à nouveau un avis négatif.
Fin novembre 2019, Novartis a soumis un nouveau dossier à la CRM pour Aimovig tant pour le dosage de 70 mg que pour celui de 140 mg. Ce dossier étant toujours en cours de traitement, je ne suis pas en mesure de fournir davantage d’informations au sujet de cette procédure. Cela pourrait compromettre le bon déroulement de la procédure de remboursement.
Ceci s’applique non seulement à la demande d’admission au remboursement d’Aimovig, mais également à tous les dossiers pour lesquels la procédure de remboursement est en cours. Fin octobre 2019, Teva Pharma Belgium a déposé, auprès de la CRM, une demande pour la spécialité pharmaceutique Ajovy. Comme Aimovig, cette spécialité appartient à la classe des inhibiteurs du CGRP et peut également être utilisée pour traiter la migraine.
Ce dossier étant toujours en cours, je ne suis pas en mesure de fournir davantage d’informations sur la procédure. Début mars 2020, une troisième firme, Eli Lilly Benelux, a déposé une demande auprès de la CRM pour la spécialité pharmaceutique Emgality. Comme Aimovig et Ajovy, cette spécialité appartient à la classe des inhibiteurs du CGRP.
Comme les deux autres dossiers, il est en cours et je ne peux vous fournir davantage de détails. Toute modification de la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables sera publiée au Moniteur belge et sur le site de l’INAMI.
En dehors des traitements préventifs classiques remboursés depuis au moins dix ans comme topiramate, acide valproïque et propanolol, botox est maintenant remboursé pour les patients souffrant de migraines chroniques et ce, depuis le 1 er mars 2019. Je comprends que vous et de nombreux patients sont en attente mais il importe que les procédures soient suivies correctement.
Elles examinent à la fois la valeur thérapeutique et la place dans l’arsenal thérapeutique ainsi que le coût, l’efficacité et l’impact sur le budget des soins de santé. En attendant un nouvel avis, je peux vous informer que deux programmes médicaux d’urgence sont en cours auprès de l’AFMPS pour un de ces nouveaux antimigraineux et auquel certains patients belges ont déjà accès.
Vanessa Matz (cdH): Monsieur le ministre, nous informer sûrement, nous contenter, beaucoup moins. Je n’invoque pas souvent cette qualité-là, mais en ma qualité de patiente souffrant, non pas de migraines, mais de cluster headache, je me permets d’insister pour que l’on puisse avoir une vision globale de ces pathologies extrêmement invalidantes.
J’ai accepté de me faire la porte-parole des collectifs de patients sur cette question. Je leur ai dit que cette douleur devait peut-être servir à quelque chose. J’ai la chance de siéger au Parlement et de pouvoir relayer des préoccupations.
Je comprends bien que vous n’interveniez pas dans des procédures en cours. Je suis toujours étonnée: bien sûr, ces médicaments coûtent de l’argent, mais ils en rapporteraient également beaucoup. Mon collègue a chiffré ce que coûtent les migraines à la société.
C’est colossal! Il s’agit, dans ce programme, d’affiner les conditions dans lesquelles on peut bénéficier de l’Aimovig. Il ne s’agit pas d’avoir mal à la tête. Il s’agit d’être migraineux, plusieurs jours par mois, quand plusieurs traitements ont échoué.
Je pense que bien sûr, le coût doit être apprécié au regard d’un budget général, mais on doit aussi regarder les coûts occasionnés pour la société. Ceux-là sont colossaux, comme on l’a rappelé.
La rupture de la vie familiale et professionnelle est à considérer également. J’insiste afin que vous répondiez aussi à l’interpellation que vous avez reçue le 14 novembre de la part de tous ces groupes de patients qui souffrent de céphalées au sens général du terme. Je vous remercie.