Vanessa Matz (cdH): Monsieur le ministre, en décembre dernier, je vous interrogeais concernant l’état d’avancement des négociations avec la Commission de remboursement des médicaments (CRM) concernant les traitements contre la migraine appartenant à la classe des inhibiteurs du CGRP.
À l’époque, vous m’avez confirmé que des négociations étaient en cours concernant l’Aimovig 70 mg et 140 mg, l’Ajovy ou encore l’Emgality. Un des programmes en cours donnant accès à certains patients à certains de ces médicaments, singulièrement l’Aimovig, touche à sa fin. Qu’adviendra-t-il de ces patients, dans quelques semaines, lorsque ce programme prendra fin et qu’ils n’auront pas les moyens de s’offrir un traitement qui revient à plusieurs centaines d’euros par mois.
Il est ici pourtant question d’un traitement qui leur a permis de retrouver une vie presque normale puisqu’ils ont pu reprendre leur travail et retrouver leur autonomie.
On le sait, 90 % des personnes souffrant de migraines indiquent ne pas pouvoir travailler ou fonctionner lorsqu’elles sont confrontées à un épisode migraineux. Rien qu’en Belgique, cela représente 1 650 000 jours de travail perdus chaque année. Le coût sociétal de la migraine est évalué à 985 millions d’euros par an.
La migraine touche 14,7 % de la population en Europe, une population essentiellement active et âgée de 20 à 44 ans.
- Monsieur le ministre, depuis décembre 2020, avez-vous reçu de nouvelles informations quant aux décisions de la CRM?
- D’autres traitements ont-ils fait l’objet d’une demande de remboursement?
- Quelles seront les solutions proposées aux patients pour qui le programme dont ils relèvent arrive bientôt à échéance?
Frank Vandenbroucke, ministre: Monsieur le président, chères collègues, je souhaiterais tout d’abord commencer par un résumé des procédures d’admission au remboursement concernant des spécialités à base d’anticorps monoclonaux anti-CGRP. En septembre 2018, Novartis a soumis un dossier à la CRM pour l’admission au remboursement de l’Aimovig à la dose de 70 mg. Après évaluation de la demande par la CRM, la possibilité de conclure une convention entre l’INAMI et Novartis pour inscrire temporairement le médicament dans la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables a été examinée.
À l’issue des négociations, le groupe de travail responsable de ces négociations a émis un avis négatif concernant la conclusion d’une convention pour admission temporaire au remboursement de l’Aimovig 70 mg. Sur la base de l’analyse de la CRM, il est apparu que le coût pour l’assurance maladie par patient est très élevé et qu’il existe un certain nombre d’incertitudes importantes liées à ce médicament, notamment en ce qui concerne l’impact budgétaire potentiel et la plus-value du médicament dans la population cible proposée par la firme.
Le groupe de travail a estimé que la compensation budgétaire proposée par la firme était insuffisante compte tenu des éléments ci-dessus. En mars 2019, Novartis a soumis un dossier à la CRM pour l’admission au remboursement d’Aimovig à la dose de 140 mg. Des négociations ont également été entamées avec la firme pour ce dossier mais le groupe de travail est parvenu à la même conclusion et a donc à nouveau formulé un avis négatif à la ministre des Affaires sociales en ce qui concerne la conclusion d’une convention pour l’admission temporaire au remboursement d’Aimovig.
Fin novembre 2019, Novartis a soumis un nouveau dossier à la CRM pour Aimovig, tant pour le dosage de 70 mg que pour le dosage de 140 mg. Ce dossier étant toujours en cours, je ne suis pas en mesure de vous fournir plus d’informations au sujet de cette procédure. Cela pourrait compromettre le bon déroulement de la procédure de remboursement. Ceci s’applique non seulement à la demande d’admission au remboursement d’Aimovig mais également à tous les dossiers pour lesquels la procédure de remboursement est en cours. Fin octobre 2019, Teva Pharma Belgium a introduit auprès de la CRM une demande d’admission au remboursement pour la spécialité pharmaceutique Ajovy.
Début mars 2020, une troisième firme, Eli Lilly Benelux a introduit une demande d’admission au remboursement auprès de la CRM pour la spécialité pharmaceutique Emgality. Comme Aimovig, ces deux spécialités appartiennent à la classe des inhibiteurs CGRP. Comme Aimovig, ces deux dossiers sont en cours et nous ne sommes pas en mesure de fournir plus de détails, y compris les délais. En ce qui concerne d’autres molécules, je peux vous communiquer qu’il n’y pas eu de demande d’admission au remboursement pour un autre traitement dans cette indication depuis décembre 2020.
Le programme à usage compassionnel d’Aimovig a été autorisé par l’AFMPS le 20 novembre 2018 et est actuellement fermé depuis le 31 décembre 2019. Néanmoins, conformément à l’article 83, alinéa 8 du règlement n° 726/2004, le demandeur du programme reste, après la fin du programme, responsable de l’exécution du programme pour les patients qui ont été inclus avant la date de fin du programme jusqu’à la commercialisation du médicament.
L’Aimovig n’étant pas encore commercialisé en Belgique, le demandeur doit continuer à fournir gratuitement l’Aimovig aux patients enrôlés en date du 31 décembre 2019. En ce qui concerne les traitements actuels, en dehors des traitements préventifs classiques, remboursés depuis au moins dix ans (topiramate, acide valproïque, propranolol), le botox est maintenant remboursé pour les patients souffrant de migraine chronique depuis le 1er mars 2019.
Les mesures spécifiques pour l’accès aux médicaments innovants seront examinées lors de l’élaboration du pacte pharmaceutique. À cet égard, il est important que ces mesures ne soient pas considérées individuellement, mais fassent partie d’une politique globale en matière de médicaments. En outre, nous devons veiller à ce que les changements de politique soient mis en œuvre parallèlement et de manière cohérente avec les autres réformes.
Vanessa Matz (cdH): Monsieur le ministre, merci pour le rappel de la procédure. Nous la connaissons évidemment. Depuis 2018, j’interroge votre prédécesseur et vous-même sur ces questions. Je suis en contact hebdomadaire avec la Ligue contre les céphalées et d’autres associations qui se battent au quotidien pour soulager les patients. J’entends bien que la société doit continuer à fournir gratuitement, le temps du programme et de sa commercialisation, ces médicaments. Mais nous savons aussi que ces médicaments s’arrêtent, en tout cas pour l’Aimovig, en juin. Ils seront commercialisés en juin, remboursement ou pas. Juin, c’est demain.
Cela signifie qu’à partir de juin, il n’y a plus de solution pour ces patients qui souffrent au quotidien. Il me semble que le coût de ces médicaments devrait être mis en balance avec le coût sociétal de la migraine. J’essaie de me battre, au sein de cette commission, pour qu’il y ait un vrai débat sur la question de la migraine. Ce n’est pas facile. J’espère qu’il pourra avoir lieu avec le cautionnement de plusieurs médecins, notamment neurologues, qui viendraient prouver l’efficacité de ce médicament. Nous continuerons dans les mois à venir, à revenir sur ce dossier, même si j’entends bien que les médicaments innovants font partie d’un tout et que vous souhaitez les examiner de manière globale.
Mais, dans ce cas, mettons-nous au travail sans tarder car l’accès à certains médicaments prendra bientôt fin. Or, il n’est pas possible pour la plupart des patients de payer 400, 500, voire 600 euros par mois. C’est donc la sécurité sociale qui devra intervenir dans le cadre notamment de congés de maladie, ce qui représentera pour elle une charge supplémentaire.
Quoi qu’il en soit, je vous remercie pour votre réponse, même si je ne vous cache pas ma grande déception.