Vanessa Matz (cdH): Monsieur le ministre, l’intégrité est une valeur essentielle à la police. Nombre de lois définissent ce qui est permis et ce qui est interdit dans l’exercice de la fonction. Rappelons notamment l’existence d’un code de déontologie, de la loi disciplinaire, de la circulaire CP3 relative au système du contrôle interne dans la police intégrée, ainsi que l’existence des services de contrôle tels que le Comité P et l’Inspection générale de la Police fédérale et de la Police locale (AIG).
L’AIG a cependant rendu en mars 2019 un rapport qui attire l’attention sur l’intégrité au sein de la police intégrée. Ce rapport fait état de recherches récentes aux Pays -Bas et en Australie, qui démontrent la pression toujours plus forte exercée par le milieu criminel sur les membres des services de police, que ces derniers ne sont pas toujours prêts à signaler les faits de corruption dont ils sont témoins, ou même qu’ils craignent de perdre leur fonction en cas de dénonciation.
Depuis 2016, le statut légal prévoit qu’en matière de recrutement, outre les conditions d’âge et de nationalité, une conduite irréprochable et l’absence de facteurs de risque qui constituent un obstacle à l’engagement sont indispensables. Pour ce faire, sont examinées les informations suivantes: le casier judiciaire, les données de l’Organe de coordination pour l’analyse de la menace (OCAM) ainsi que celles des services de sécurité et de l’ensemble des données judiciaires dont disposent les corps de police.
Toutefois, ce contrôle ne serait pas suffisant. L’AIG propose en effet de contrôler l’intégrité du fonctionnaire de police tout au long de la carrière – autrement dit durant une période de 47 ans. Elle pointe en effet l’absence de contrôles préventifs, hormis les cas spécifiques d’enquêtes de sécurité dans le cadre des habilitations de sécurité et celles de la Commission des jeux de hasard.
Je rappelle qu’un des auteurs de l’étude est également intervenu dans l’émission « Investigations » du mois dernier dans le cadre d’un problème de harcèlement au sein de la police et a réitéré cette proposition.
Monsieur le ministre,
- Avez-vous pris connaissance de cette étude?
- Dans l’affirmative, qu’en pensez-vous?
- Comment mettre en place des contrôles préventifs dans le respect des droits individuels de chacun?
- Une analyse de risque existe-t-elle pour les fonctions dites sensibles?
Pieter De Crem, ministre: (…) de l’Inspection générale de la Police fédérale et de la Police locale (AIG). Ce rapport induit une réflexion intéressante, il contient un aperçu des différentes raisons et émet des propositions concrètes en matière de screening au cours de la carrière d’un agent au sein de la police.
Pour ma part, je partage en grande partie les conclusions de cette étude. Le fait qu’un candidat affiche un comportement irréprochable au début de sa carrière policière ou lors de sa sélection en tant que membre du personnel opérationnel administratif ne signifie pas qu’aucun autre risque d’intégrité ne se posera pendant le reste de son parcours professionnel. Un tel type d’analyse de risque existe déjà pour des fonctions spécifiques, comme l’infiltration.
Par ailleurs, l’intégrité fait partie intégrante de l’évaluation permanente de chaque membre du personnel tout au long de sa carrière. En outre, les membres du personnel exerçant une fonction qui requiert la détention d’une habilitation à vie ou d’une attestation de sécurité sont en outre soumis à l’enquête de sécurité imposée par la loi du 11 décembre 1998 relative à la classification et aux habilitations, attestations et avis de sécurité.
Pour le surplus, tous les membres du personnel statutaire sont soumis au statut disciplinaire. Dans ce contexte, si un membre du personnel a été condamné pour avoir commis une infraction grave, il peut faire l’objet d’une sanction disciplinaire allant jusqu’à la démission d’office.
Enfin, je pense en effet que l’accent devrait être mis plus encore sur les (?) préventives intégrées dans une gestion globale de l’activité des services de police, laquelle gestion reposerait une base légale solide. Actuellement, les textes statutaires ne prévoient ni screening, ni enquête de moralité supplémentaire de manière systématique durant la carrière. La police fédérale étudie actuellement les possibilités d’un tel screening permanent.
Vanessa Matz (cdH): Monsieur le ministre, merci pour votre réponse et surtout pour votre volonté d’une forme de screening de l’intégrité tout au long de la carrière. De nouveau, je tiens à insister sur le fait que, si ce screening pouvait intervenir tout au long de la carrière, ce ne serait pas dans le but de discréditer les membres de la police, que du contraire. Si on cible les événements et les personnes qui sont en cause dans des dossiers, on ne jette pas l’opprobre sur l’ensemble d’un corps de police.
C’est la même chose dans toute une série de dossiers au niveau de la police: dès lors qu’on met en place des mesures fortes et qu’on parvient à identifier ceux qui poseraient problème et qui doivent être sanctionnés, on parvient à ne pas incriminer l’ensemble du corps de police. Ce serait pire que tout de tomber dans des amalgames, assez faciles à faire dans ces temps troublés. Nous devons réfléchir à une manière d’implanter ce screening tout au long de la carrière pour répondre notamment à ces recommandations de l’AIG.