Vanessa Matz (Les Engagés): Madame la ministre, à deux reprises ce matin, nous avons eu l’occasion d’évoquer la situation catastrophique des pompiers au travers d’une demande d’audition formulée par les syndicats et relayée par notre collègue Boukili et sur laquelle nous avons marqué notre accord, majorité y compris; et par le non-vote d’un texte assez basique qui est l’indexation, dans la loi, de la dotation fédérale aux zones de secours. Malheureusement, votre majorité n’y a pas souscrit.
Il y a deux semaines, les pompiers de tout le pays manifestaient. Les raisons sont multiples: manque d’investissements, manque en personnel et manque en matériel, mais aussi les conditions de pension d’agents opérationnels.
Manque en personnel. Lors d’un exposé en commission de l’intérieur, la Fédération Royale de Corps des Sapeurs-Pompiers de Belgique (FRSB) indiquait un manque d’environ 3 000 pompiers professionnels sur le territoire belge, ce qui engendrerait une augmentation du coût de la sécurité civile de 195 millions d’euros. La Fédération avait pointé également la difficulté de recruter des volontaires.
Sur le plan de la politique du personnel, les pompiers attendent également une meilleure politique en ce qui concerne les conditions pour partir à la pension mais aussi en termes de bien-être, avec la reconnaissance du cancer comme maladie professionnelle.
La problématique des agressions envers le personnel de secours constitue également un point crucial, à l’instar des policiers.
En ce qui concerne le sous-financement structurel des zones de secours, le coût global des zones de secours sur le territoire est de 756 millions d’euros.
La part fédérale est d’approximativement 151 millions d’euros Le coût global des zones de secours serait donc de 907 millions d’euros avec la part du fédéral de 346 millions d’euros; une part de 38 %, ce qui n’est toujours pas le 50/50 prévu par la loi du 15 mai 2007.
Dans le même ordre d’idées, le fédéral n’a pas prévu d’augmentation automatique structurelle des dotations aux zones de secours alors que, dans un même temps, il continue à charger les communes d’une série de missions. Le démembrement de la Protection civile en est un exemple frappant puisque les zones de secours ne bénéficient plus d’une aide de première ligne de la Protection civile.
Nous nous apercevons que le fédéral a du mal à trouver des solutions pour en finir avec ce sous-financement structurel. Or, le refinancement de la sécurité civile est indispensable.
Il en va de la sécurité de nos concitoyens.
- Quelles solutions comptez-vous apporter aux demandes légitimes des pompiers?
- En ce qui concerne le commissionnement de certains majors et capitaines, pour quelle raison n’avez-vous pas organisé une formation OFF4 afin qu’ils puissent accéder au grade de colonel?
- Qu’est-ce qui vous en a empêché? Cela fait plus de deux ans que vous êtes ministre.
- Pour quelle raison n’avez-vous pas modifié le statut du personnel des pompiers, s’il devait en être ainsi?
Annelies Verlinden, ministre: Chers collègues, permettez-moi de commencer par vous dire que je comprends très bien les préoccupations des pompiers et des ambulanciers. Je suis très sensible aux points mis en avant par les représentations syndicales.
Nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises – dont le mardi 7 mars – et nous avons examiné de manière constructive la meilleure façon de répondre aux diverses aspirations et problématiques qui sont mises en avant par les représentants syndicaux.
Les principaux thèmes abordés concernaient les faits d’agression envers les pompiers, les régimes de fin de carrière ainsi que les moyens qui sont disponibles pour les zones de secours – compte tenu du fait que les moyens ne viennent pas tous de l’autorité et du gouvernement fédéraux.
En ce qui concerne la lutte contre les agressions envers les pompiers et les ambulanciers, plusieurs actions ont déjà été entreprises et nous prévoyons des initiatives supplémentaires. Je vous renvoie, entre autres, à la circulaire récemment communiquée sur le sujet.
Mon administration a également démarré une campagne de communication externe contre l’agression. Elle rassemble notamment les différentes bonnes pratiques existantes dans les zones, dans le but de les diffuser.
Concernant la question de la fin de carrière, je comprends tout à fait les difficultés qu’il y a à exercer des interventions de lutte contre le feu jusqu’à 67 ans. J’ai demandé à mon administration de travailler à des dispositions complémentaires de fin de carrière afin de maintenir l’exécution de la fonction de pompier le plus longtemps possible, de manière réaliste, en tenant compte, bien sûr, de certaines difficultés dues à l’âge.
En ce qui concerne la politique de bien-être et la question de la fin de carrière, nous avons invité les syndicats à se réunir à court terme afin qu’ils puissent également apporter leur contribution et que nous puissions rechercher ensemble des solutions.
Toutefois, nous devons toujours tenir compte du contexte budgétaire et du cadre de l’accord de gouvernement.
Madame Matz, en ce qui concerne la formation OFF4 destinée à former les futurs colonels, j’ai le plaisir de vous informer que la formation en question est bien organisée, ce depuis cette année. Les deux premières sessions sont en cours. Elles sont organisées par l’Université de Mons – pour les élèves francophones – et l’Université de Hasselt – pour les néerlandophones.
Concernant les aspects budgétaires de votre question, j’aimerais rappeler les éléments déjà communiqués aux collègues Boukili et Vanden Burre en janvier de cette année, à savoir que, outre la trajectoire budgétaire décidée par le gouvernement en octobre 2020 afin de majorer les dotations fédérales entre 2021 et 2024, il a été décidé lors du dernier conclave budgétaire d’indexer, pour l’année 2023, les dotations fédérales des zones de secours et du SIAMU.
Cette indexation permet d’augmenter les dotations fédérales de plus de 18 millions d’euros. Au total, le montant des dotations fédérales s’élève à plus de 200 millions d’euros en 2023.
En ces temps budgétaires très difficiles, il s’agit d’un effort très important. J’envisage de solliciter également mes collègues au sein du gouvernement afin de poursuivre ces efforts et d’inscrire l’indexation des dotations fédérales dans la loi afin que ces dotations puissent suivre l’augmentation du coût de la vie. Cela fait partie des discussions budgétaires menées au sein du gouvernement. J’espère que ces idées bénéficieront de beaucoup de soutien et d’appui.
Monsieur Thiébaut, concernant la reconnaissance du cancer comme maladie professionnelle pour les pompiers, je vous informe que mon cabinet et mon administration ont prévu des réunions de travail à ce sujet avec les représentations syndicales au cours des semaines qui viennent. Par ailleurs, je soutiens actuellement une étude scientifique de la KUL relative aux substances et matières toxiques que les pompiers rencontrent sur le terrain.
Vanessa Matz (Les Engagés): Merci, madame la ministre, pour une série de réponses à des questions sur la formation, sur le cancer etc. Il reste que le nerf de la guerre est celui des dotations qui restent totalement insuffisantes. Pas plus tard que ce matin, j’ai entendu qu’il fallait encore attendre que vous puissiez tenter d’obtenir, lors du conclave budgétaire, enfin, l’insertion de l’indexation automatique dans la loi. J’espère que vous serez entendue. En tout cas, ce matin, nous n’avons pas été entendus par la majorité Vivaldi.
Voilà deux ans que notre texte est pendant! Lors d’un premier avis, vous étiez contre. Vous disiez que la formule était trop compliquée.
Nous savons évidemment que pour 2023, vous avez accédé à cette demande d’indexation. Il se fait qu’il existe un besoin urgent de cette indexation automatique et pérenne, afin que les zones de secours puissent se projeter un tantinet. Mais ce n’est évidemment pas suffisant; nous le savons, au regard des défis qui sont les leurs et que j’ai énumérés dans ma question, au regard aussi des besoins de sécurité de plus en plus importants.
J’espère de tout cœur que vous obtiendrez gain de cause lors du conclave. Vous nous aviez dit que votre projet de loi avait purement et simplement été remis au conclave. Cela me tracasse un peu parce que je pense que cela aurait été mieux que votre projet de loi soit voté ici et que vous sollicitiez, ensuite, les moyens au conclave. Ici, cela donne à penser qu’il s’agirait à nouveau d’un one shot permettant d’obtenir une indexation pour 2024. Ce serait déjà bien, mais ce serait nettement insuffisant au regard des demandes des services de secours.