Vanessa Matz (Les Engagés): Monsieur le président, madame la ministre, merci pour votre exposé. Il est évidemment extrêmement difficile d’intervenir dans un contexte de tristesse pour des familles, dont certaines sont endeuillées et dont d’autres sont dans l’inquiétude pour la survie de leur proche à la suite de ce tragique événement.
Ce moment d’arrêt, ce moment de dignité – je pense que la famille souhaite qu’il y ait beaucoup de dignité – ce moment d’empathie, de respect, nous oblige encore davantage. Vous l’avez dit, il nous oblige à ne pas avoir de comportements de surenchère particratique: « C’est pas moi, c’est toi », « Oui, mais moi, j’ai plus investi que toi ». Ce serait une guerre entre partis sans être dans l’intérêt général.
Au fond, qu’attendons-nous de cet énième échange de vues de cette législature? Nous en avons eus sur le terrorisme. Nous en avons eus sur les trafics de drogue et les mafias. Nous en avons eus sur le décès d’un autre policier, Thomas Monjoie. Nous avons eu de multiples échanges de vues.
Si c’est pour venir ici s’écouter parler, et au fond, se dire qu’on a fait le job, je pense que nous n’aurons pas respecté ce moment de dignité. Je pense que ce moment nous oblige encore davantage, vous oblige encore davantage, sur les demandes, qui ont été répétées à de multiples reprises, à propos de l’ensemble de la police fédérale et plus particulièrement de la division des unités spéciales.
Vous l’avez dit vous-même: cette unité n’est pas complète. Il manque 10 % de son effectif. Il existait une promesse de budget complémentaire. Cette unité a pu, notamment au moment des attentats, arrêter Abdeslam. À ce moment, il avait été promis que cette unité serait pourvue de moyens et d’effectifs. Au fond, cette promesse n’a pas été respectée.
Entendons-nous bien, dans cette affaire-ci, selon les éléments qui sont en notre possession, nous ne faisons pas un lien de cause à effet! Nous faisons un lien avec la violence de plus en plus extrême qui règne dans notre pays, et la nécessité pour ces unités, mais aussi pour la police fédérale dans son ensemble, d’être dotées correctement pour répondre à cette violence extrême. Nous y sommes obligés aujourd’hui.
Et je souhaiterais que nous puissions – et c’est ma question principale – sortir de cette commission avec des engagements par rapport à des demandes qui ont été répétées et qui ne datent pas d’hier. Elles ont été répétées par les acteurs de terrain, qu’il s’agisse de la Justice, qui est venue ici nous dire combien il était difficile de travailler, en devant mettre des affaires de côté, faute d’effectifs policiers, ou des policiers eux-mêmes, ou des syndicats, qui sont venus à plusieurs reprises, ou encore des différents groupes politiques qui sont montés aux barricades à plusieurs reprises sous cette législature et également depuis de nombreuses années.
Il ne s’agit donc, pas, aujourd’hui, de tenir des propos différents de ceux d’hier. Il s’agit de prendre conscience du fait qu’il manque 1 700 policiers par rapport au cadre, au niveau de la police fédérale. Il en manque 1 200 au niveau des polices locales. Ce déficit est extrêmement important pour des missions qui sont de plus en plus nombreuses dans des conditions de plus en plus difficiles. Nous savons que le terrorisme existe, que la lutte contre la drogue existe. Il y a évidemment l’ensemble du travail de quartier, de proximité avec nos citoyens, qu’il est essentiel de pouvoir mener aussi.
Si nous voulons pouvoir être en ordre de marche contre les mafias, contre le terrorisme, contre cette violence extrême, nous avons besoin de services de sécurité adéquatement dotés. Loin de moi l’idée de dire que ce gouvernement n’a rien fait ou que rien ne va. Je ne l’ai jamais fait. Il faut cependant reconnaître qu’il y a eu des engagements qui sont nettement insuffisants par rapport aux demandes, singulièrement à la police judiciaire qui manque toujours d’effectifs et dans l’unité DSU, où il manque environ 70 hommes pour que le cadre soit complet.
Voilà le message que j’ai envie de vous faire passer. Les autres questions ont été adressées. Je voudrais vous demander quel engagement, à l’issue de cet énième échange de vues, allez-vous prendre par rapport à la DSU et à la police judiciaire de manière plus globale? Il ne faut pas dire que cela appartiendra au gouvernement suivant. Il vous reste des mois pour agir maintenant, c’est maintenant qu’il faut agir. Nous l’avons déjà dit plusieurs fois: il est minuit moins une. Le procureur de la Serna est déjà venu nous dire, il y a trois ans, combien il était compliqué de devoir trier des affaires en matière de lutte contre la traite des êtres humains, le narcotrafic ou le terrorisme faute d’enquêteurs.
Aujourd’hui, le gouvernement doit, dans la dignité et le respect par rapport à l’ensemble du corps de police et la famille, dire que cette mort tragique aura peut-être permis – même s’il est bien dommage d’en arriver à de telles extrémités pour cela – de doter correctement les services de police. Ces engagements peuvent encore être pris d’ici la fin de la législature. C’est ma seule demande, aujourd’hui, par rapport à cette tragique affaire pour laquelle nous ne souhaitons pas commencer à épingler des responsables ou donner dans la surenchère mais restons dans la constance des demandes que nous formulons depuis des années.
Réponse de la Ministre : Lire ici