Aujourd’hui la politique apparaît évincée et marginalisée par le marché et par le progrès technique.L’Europe elle-même qui devrait être notre outil et notre bouclier, nous échappe par sa complexité et par les jeux croisés des technocrates, des lobbys et des diplomates.
Mais paradoxalement la politique n’a jamais été plus nécessaire. Car ces bouleversements à la marche du monde appellent des réformes profondes. Et qui peut les entreprendre et les mener à bien sinon les politiques? C’est un chantier immense qui s’articule sur plusieurs niveaux : la commune, la région, le fédéral, l’Europe et, à travers celle-ci l’ordre mondial à reconstruire après le séisme de la globalisation toujours plus porteuse d’inégalités sociales.
Nos institutions démocratiques appellent une participation plus active du citoyen ; nos systèmes d’éducation sont mis au défi de l’immigration et du numérique qui touchent aussi la protection sociale, nos régimes de retraite et de nos politiques de santé, tandis que notre urbanisme est confronté au double défi de la mobilité et à la sécurité. La décarbonisation de nos économies, le vieillissement de nos sociétés, la menace que le consumérisme et le cosmopolitisme constituent pour la culture doivent être anticipées et gérées.
Mais comment va s’accomplir notre destinée au long du XXIe siècle ? Qui va en décider ? Les forces du marché animées parle seul souci du profit, un incitant puissant, mais tellement dangereux quand il n’est pas bridé ? Le progrès technique qui génère à jet continu des avancées qui sont tantôt des miracles, tantôt des cataclysmes en puissance ? Ou bien seront-ce les peuples eux-mêmes ? Les citoyens !
On en revient à la politique. Elle est incontournable. Elle est centrale. Elle doit être dans une démocratie, la force ultime qui fixe le cap, qui protège, qui encourage et qui est garante du progrès pour l’homme.
Elue humaniste, je redoute l’emprise excessive du marché, non pas l’économie de marché des PME, des professions libérales, les classes moyennes, les agriculteurs, les artisans qui tous doivent s’adapter aux circonstances toujours difficiles, mais celle du capitalisme global et de ses lobbys, de ses dirigeants anonymes et cyniques prêts à fixer les règles du jeu pour accumuler toujours plus pour des minorités toujours plus restreintes d’actionnaires.
Etre humaniste aujourd’hui, c’est tenir en échec cette dérive le capitalisme non régulé, de manière à préserver l’intégrité et la liberté de l’individu. Non pas comme les néo-libéraux, de l’individu détaché de sa communauté et lâché dans l’arène comme un prédateur égoïste et froid. Non plus comme les socialistes, de l’individu dépendant de parrainages partisans, intrusifs et foncièrement paternalistes et humiliants.L’humaniste pour sa part voit l’individu comme une personne à la fois unique et partie à une famille –classique ou recomposée-, à un groupe citoyen, à une association sportive, culturelle ou de services. L’individu à la fois libre et responsable, solidaire et fraternel. C’est cette personne qu’il nous faut libérer des entraves à sa liberté et à sa dignité qu’au nom de logiques impérieuses d’efficacité, de compétitivité, de compression des coûts et d’uniformité des comportements – songeons à la loi implacable des algorithmes qui façonnent nos conduites les plus intimes à partir des big data collectées au plus privé de nos choix. Nous le voyons avec nos enfants qui seront au cœur de ce XXIe siècle débutant : ni singes savants, ni consommateurs clonés, ni asservis, ni formatés. Mais des êtres humains à part entière, libres, fraternels,respectueux de l’environnement et ouverts à la vie de l’esprit. Du moins, si nous nous battons contre les modes du moment et si nous tenons bon sur le cap à suivre.
Hier la bataille pour l’homme, se livrait contre la barbarie des grandes utopies totalitaires- le nazisme et le communisme stalinien. Aujourd’hui cette barbarie est plus insidieuse, mais tout aussi brutale. Elle doit être menée contre les dérives d’une modernité dorénavant dominée par le capitalisme et la technique et de plus en plus exprimée dans une bureaucratie numérique qui s’insinue au plus intime de nos vies pour détruire l’essence même de notre individualité. Car c’est l’âme même de l’homme qui est en péril dans cette société déshumanisée. Derrière le beau mot de progrès, se dissimulent à la fois des avancées et des déviances. Il nous faut les distinguer. C’est le sens de la doctrine humaniste que de faire ce tri et d’utiliser le levier de la politique pour faire prévaloir l’idéal du bien, du beau et du vrai dans un monde souvent de posture et de manipulation.
Pour ma part, je reviens à la politique, avec pour souci premier de mener le combat humaniste, non seulement dans la politique au quotidien comme je n’ai cessé de le faire jusqu’ici, mais dans cet entre-deux qui entre virtuel et réalité, est occupé à menacer au plus profond nos sociétés humanistes.
Au moment où la démocratie représentative est remise en question, chaque élu a le devoir de travailler à redéfinir sa mission de représentant du citoyen. Plus que jamais l’élu doit se faire passeur d’idées autant que législateur ou contrôleur des exécutifs.
Les enjeux de société prennent une dimension nouvelle et ils doivent revenir au cœur du débat politique.