Des sanctions administratives communales afin de renforcer l’arsenal législatif dans la lutte contre le sexisme dans les espace public
Des sanctions administratives communales afin de renforcer l’arsenal législatif dans la lutte contre le sexisme dans les espace public

Des sanctions administratives communales afin de renforcer l’arsenal législatif dans la lutte contre le sexisme dans les espace public

Les auteurs de la présente loi souhaitent inclure le sexisme dans l’espace public dans la liste des infractions SAC mixtes.

Le harcèlement sexiste dans l’espace public désigne l’ensemble des comportements individuels et collectifs qui visent à, dans les espaces publics (rue, transports, …) ou semi-publics (magasins, bars, …), interpeller, intimider, menacer, humilier, ou insulter des personnes en raison de leur sexe. Ils se manifestent de manière insistante et répétitive sous plusieurs formes (sifflements, commentaires, poursuites) et peuvent dégénérer en violence. Il s’agit bien d’un rapport de pouvoir où les auteurs imposent leur volonté et leur contrôle, en ignorant volontairement le non-consentement des victimes et en générant un environnement hostile qui porte atteinte à leur dignité et à leur liberté.

La loi du 22 mai 2014[1] (dans le présent document « Loi Sexisme ») tendant à lutter contre le sexisme dans l’espace public est entrée en vigueur le 3 août 2014. Dans ce cadre, tout geste ou comportement, qui méprise gravement et publiquement une personne en raison de son sexe, peut entrainer une comparution devant le tribunal correctionnel qui pourra prononcer une peine de prison d’un mois à un an et/ou une amende de 50 à 1.000 euros.

Cette loi est née suite au reportage de Sofie Peeters, « Femme de la rue », tourné en caméra cachée, dans lequel elle témoigne des remarques, insultes et sifflements sexistes qu’elle subit en se déplaçant à Bruxelles.

Dans les statistiques policières et judiciaires belges, le sexisme dans l’espace public occupe une place limitée. Seules onze condamnations[2][3] ont été prononcées sur la base de la loi Sexisme depuis son entrée en vigueur.

En réalité, ces jugements ne constituent que la face visible de l’iceberg.

Les résultats d’enquêtes de terrain montrent, d’ailleurs, que le sexisme représente bel et bien une nuisance importante pour notre société.
A titre illustratif, en 2017, Vie Féminine a initié et coordonné un large appel à témoignages auprès de jeunes femmes au sujet des violences sexistes qu’elles rencontrent dans leur quotidien. Plus de 400 jeunes femmes y ont répondu. Les résultats sont interpellants puisque 98% des jeunes femmes déclarent avoir vécu du sexisme dans l’espace public  sous forme :

–       d’agressions verbales (41%) : insultes, remarques insistantes, etc. ;

–       d’agressions physiques (26%) : attouchements, mains aux fesses, etc ;

–       d’agressions non-verbales (21%) : être suivie, dévisagée, etc. ;

–       d’autres types d’agression (12%) : prise de photos sans consentement, harcèlement au travail, etc.

En septembre 2019, Plan International Belgique a également interrogé près de 700 jeunes âgés entre 15 et 24 ans à Anvers, Bruxelles et Charleroi sur le thème du harcèlement sexuel dans l’espace public. Cette étude réalisée, avec l’appui de l’Institut de sondage Dedicadted, met en évidence que les comportements et gestes intrusifs dans l’espace public, perçus comme intimidants, irrespectueux ou offensants, sont toujours omniprésents. Peu importe l’âge ou l’identité de genre, le harcèlement en rue concerne tout le monde : 91% des filles et 28% des garçons interrogés en ont déjà subi.

En 2021, les résultats du Moniteur de sécurité[4] viennent confirmer les résultats des études/témoignages précités puisqu’ il est apparu que le harcèlement dans la rue constitue une des nuisances les plus problématiques en matière de sécurité ; 10% des personnes interrogées ont déclaré y être confrontés.

En réalité, les spécialistes de la question voient différentes raisons au phénomène de sous-rapportage considérable dans le domaine du sexisme :  la banalisation du sexisme, la méconnaissance de la loi, la conviction que la plainte n’aboutira pas, la peur de représailles, ou le fait que les victimes  pensent ne pas disposer d’éléments suffisants pour le faire.

Par ailleurs, certaines zones de police ont initié des opérations tendant à lutter contre le sexisme. C’est le cas notamment de la zone de police de Liège[5], pionnière en la matière. A l’origine, un constat : les inspecteurs sont interpellés par les doléances de citoyennes, mais aussi par les inspectrices mêmes. Quand ces dernières ne portent pas l’uniforme, elles font aussi l’objet de commentaires ou de comportements à caractère sexiste notamment dans le centre-ville.

La police a donc proposé au parquet un dispositif particulier : des policières liégeoises se sont promenées en civil dans les rues fréquentées de la Cité ardente, dans des parcs et sur le Ravel. Elles étaient suivies de loin par des policiers prêts à intervenir, en cas de comportements tombant sous le coup de la loi. C’est ainsi que des procès-verbaux ont été rédigés sur la base de la Loi Sexisme.
Le parquet a, quant à lui, garanti la suite pénale appropriée aux procès-verbaux et orienté les auteurs pris sur le fait vers une association spécialisée dans l’accompagnement thérapeutique des agresseurs.

Il s’agit d’une opération de sensibilisation où la police encourageait également les victimes à déposer plainte mais aussi les témoins à réagir.

Dans le prolongement des initiatives législatives et locales prises pour endiguer la problématique du harcèlement en rue, les auteurs souhaitent renforcer le cadre législatif actuel.

Ainsi, la présente proposition de loi vise à permettre d’infliger une sanction administrative communale pour l’infraction de sexisme dans l’espace public. Il s’agit de permettre aux autorités locales, en collaboration avec le parquet, d’agir davantage de leur propre chef contre les problèmes de nuisance dans l’espace public.

Concrètement, les autorités locales et le procureur du Roi pourront passer un protocole d’accord concernant l’infraction de sexisme en rue.
A défaut de protocole d’accord, le procureur du Roi dispose d’un délai de deux mois, à compter du jour de la réception de l’original du procès-verbal, pour informer le fonctionnaire sanctionnateur qu’une information ou une instruction a été ouverte, que des poursuites ont été entamées ou qu’il estime devoir classer sans suite le dossier à défaut de charges suffisantes. Cette communication éteint la possibilité pour le fonctionnaire sanctionnateur d’imposer une amende administrative.

Le fonctionnaire sanctionnateur ne peut infliger l’amende administrative ou proposer une mesure alternative à celle-ci avant l’échéance de ce délai. Passé celui-ci, les faits ne peuvent être sanctionnés que de manière administrative. Le fonctionnaire sanctionnateur peut, cependant, infliger une amende administrative ou proposer une mesure alternative à celle-ci avant l’échéance de ce délai si, avant l’expiration de celui-ci, le procureur du Roi, sans remettre en cause la matérialité de l’infraction, a fait savoir qu’il ne réservera pas de suite aux faits.

La présente proposition de loi vise ainsi à étendre considérablement la marge de manœuvre des autorités locales pour lutter contre le sexisme dans l’espace public tout en évitant de donner lieu à un procès, ce qui dans certains cas pourrait décourager considérablement les victimes de porter plainte.


[1] Loi du 22 mai 2014 tendant à lutter contre le sexisme dans l’espace public et modifiant la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes afin de pénaliser l’acte de discrimination, M.B. 24 juillet 2014.

[2] Institut pour l’Egalité des Femmes et des Hommes, « Recommandations de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes n°2022 concernant la loi tendant à lutter contre le sexisme dans l’espace public », p. 36-41.

[3] une en 2017, une en 2019, une en 2020, quatre en 2021 et quatre en 2022.

[4] Le Moniteur de sécurité est une enquête à grande échelle auprès de la population belge au cours de laquelle différents problèmes de sécurité sont abordés. L’échantillon du Moniteur de sécurité 2021 se composait de 391.573 personnes. Près de 100.000 citoyens ont participé à l’enquête.

[5] Son opération de sensibilisation lui ayant d’ailleurs valu le Prix d’Excellence 2020 du réseau Intersection Belgique

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